Souvenons-nous du jeu impressionnant de John Garfield dans Le Facteur sonne toujours deux fois (Tay Garnett, 1946), Montgomery Clift et Shelley Winters dans Une place au soleil (George Stevens, 1951), Marlon Brando et Eva-Marie Saint dans Sur les quais (Elia Kazan, 1954), James Dean et Julie Harris dans À l’est d’Eden (Elia Kazan, 1955), Paul Newman dans L’Arnaqueur (Robert Rossen, 1961), puis, plus tard, Dustin Hoffman dans Macadam Cowboy (John Schlesinger, 1969), Gene Hackman dans L’Épouvantail (Jerry Schatzberg, 1973), Robert De Niro dans Raging Bull (Martin Scorsese, 1980), Al Pacino dans Un après-midi de chien (Sidney Lumet, 1975) ou encore Meryl Streep dans Le Choix de Sophie (Alan J. Pakula, 1982), Harvey Keitel dans Bad Lieutenant (Abel Ferrara, 1992)… Dans ces interprétations hors du commun, les brisures intérieures de l’être avaient une place prépondérante, et à tout instant pouvait en jaillir la lave salvatrice d’un trop-plein existentiel…

Mais qui fut l’initiateur d’un tel jeu ? Comment est née cette fameuse Méthode préconisée par l’Actors Studio de la 44e rue (côté Ouest) de New York ? Quelles en furent les conséquences immédiates ? Et qu’en est-il aujourd’hui de cet apprentissage généralement qualifié aux États-Unis de processus de travail plutôt que de style ?

Les origines La première partie de cet article a déjà fait l’objet d’une…

Tout est né en Russie, un soir où un jeune acteur, Constantin Stanislavski, interpréta son rôle avec une telle intensité qu’il fut rapidement paniqué à l’idée de ne pouvoir reproduire cette qualité de jeu lors de la représentation suivante. C’est alors qu’il se mit à réfléchir à une série de moyens qui permettraient au comédien de rester dans un esprit de créativité permanente et ainsi d’être constamment inspiré sur scène.

C’est entre 1898 et 1904, au sein de son Théâtre d’Art de Moscou – fondé en 1896 avec Nemirovitch-Dantchenko – que Stanislavski conçut son Système, dont l’influence allait être déterminante en Europe, puis aux États-Unis. Un Système qu’il put développer grâce à sa prise de conscience d’un phénomène pré-proustien : lors d’une représentation des Trois sœurs d’Anton Tchekhov, il fit une association mentale entre le son émis par les ongles qu’un partenaire nerveux faisait glisser le long d’un banc en bois et celui d’une souris grattant un plancher. Ainsi eu-t-il l’idée que la créativité chez l’acteur devait venir de l’intérieur et que des exercices fondés sur la « mémoire affective » (un concept emprunté au psychologue français Théodule Ribot) seraient la meilleure technique pour y parvenir.

En 1905, après avoir mis en place – en étroite collaboration avec son collègue Vsevolod Meyerhold – un Studio, véritable laboratoire de recherche en matière d’art dramatique, Stanislavski développa un ensemble d’exercices qui, selon lui, allait permettre à chaque acteur devant approcher un rôle de faire surgir son subconscient à travers sa conscience, et ainsi d’en alimenter le personnage à interpréter. Cela afin d’atteindre la plus grande vérité possible, à condition toutefois de respecter une limite : aimer le personnage en soi plutôt que de s’aimer soi-même dans le personnage.

Huit grands exercices et principes résultèrent de ce Système énoncé dans La Formation de l’acteurConstantin Stanislavski, La Formation de l’acteur, Paris, Payot…, l’un des ouvrages fondamentaux de Stanislavski (1926) :

  1. Reproduire la réalité à partir d’une observation aiguë du monde.
  2. Tout comportement sur scène doit être justifié psychologiquement par une série de motivations et de justifications puisées dans le passé du personnage.
  3. Toute émotion exprimée doit être authentique et empruntée à la mémoire affective de chacun (d’où l’impérative nécessité d’avoir recours à des exercices sensoriels – articulés autour de l’exploitation exhaustive des cinq sens – en étroite relation avec la recherche introspective).
  4. L’acteur doit profondément analyser sa propre personnalité dans le but d’apporter une vérité psychologique absolue à son personnage.
  5. Obligation de pratiquer l’improvisation aussi bien pendant les répétitions que durant les représentations pour rendre toute interprétation spontanée.
  6. Besoin absolu pour les acteurs de communiquer de manière très intime et d’apporter la plus grande attention à l’expression du partenaire, afin de créer sur scène un « ensemble » harmonieux dans le jeu.
  7. Nécessité également d’utiliser les objets pour leur valeur symbolique, mais aussi pour leur relation étroite au monde matériel.
  8. L’acteur, enfin, doit se vouer d’une façon quasi religieuse à son travail, dévotion fondée sur une croyance mystique dans le pouvoir de la vérité qui émane du jeu. Pour Stanislavski, l’acteur se devait d’être le personnage vingt-quatre heures sur vingt-quatre.

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