L’ individualisme que je voudrais ici réhabiliter a paradoxalement sa source dans une réflexion sur le langage chez Wittgenstein paradoxalement car Wittgenstein, penseur souvent considéré comme holiste, pose d’abord la question d’une voix commune, de ce qu’il définit comme l’accord dans le langage : la constitution d’un langage public se fait dans un accord (une concordance dans nos usages du langage, dans une praxis linguistique). Mais quelle est la source de l’accord ? C’est un accord, dit Wittgenstein, dans la forme de vie, dans des pratiques. Mais alors, on doit admettre (cf. Cavell, Les Voix de la Raison, Seuil, 1996) que l’accord est forcément traversé par le scepticisme. Qu’est-ce en effet qui permet de dire nous ? JE (seul) puis dire ce que NOUS disons. L’usage commun du langage pose donc directement une question politique, qui est celle de la nécessité de la voix individuelle et du dissensus. C’est ce qui s’accomplit dans la thématique cavellienne de la voix singulière, l’idée qu’il faut trouver sa voix en politique : cette thématisation de la voix, en tant que voix (du langage) ordinaire, Cavell la prend non à Wittgenstein mais à Emerson et à son idée de confiance en soi (Self-Reliance).

Extrait de l’article par Sandra Laugier

Le texte intitulé précisément Self-Reliance met en évidence cette idée : « Croire votre pensée, croire que ce qui est vrai pour vous dans l’intimité de votre cœur est vrai pour tous les hommes — c’est là le génie. Exprimez votre conviction latente, et elle sera le sentiment universel ; car ce qui est le plus intime finit toujours par devenir le plus public ». Aie confiance en toi-même, dit Emerson. Cela le conduit à une autre apostrophe célèbre : « Quiconque veut être un homme doit être un non-conformiste », et à une sévère critique du conformisme et du moralisme, conçus comme incapacité à prendre la parole, à vouloir dire ce qu’on dit (Mean what we say). La Self-Reliance ne se fonde pas sur une individualité existante, elle la constitue : cette constitution de l’individu s’accomplit par ce que Cavell appelle « trouver sa voix », la recherche du ton juste, de l’expression adéquate. Il s’agit à la fois de constitution individuelle — « suivre sa constitution » dit Emerson de façon caractéristique, articulant l’intime au politique — et commune : trouver une constitution politique qui permette à chacun de trouver expression, d’être exprimé par le commun et d’accepter de l’exprimer. En savoir +

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